Sarah, ou la possibilité d’un corps qui se situerait à l’exact opposé de son corps. Dans le roman « Celle qui écrivait des poèmes au sommet des montagnes », on apprend à aimer Sarah. Pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle a vécu, pour son paradoxe de femme. Voici quelques extraits.
« Avons-nous eu ce désir-là : celui de remonter aux pigments originels, à nos sangs de peu, à nos neiges marquées de pas dans le vide, aux ciels qui nous ont portés sans évidence. Nous avons manqué de tout et nous avons eu de tout. Si seulement nous avions eu autant d’amour qu’il nous en a manqué. »
« « Pourquoi ? », se demandait Marcus. Et sa mère qui avait terminé en lui disant de transformer sa rage, sa colère, en art : écrire, peindre, dessiner, photographier, jouer du piano, nager dans le jour ou dans la nuit, courir fort jusqu’à sentir l’asphyxie des jambes et des poumons, hurler tout ce qu’il pouvait, tout ce qu’il voulait, mais surtout ne pas laisser les eaux stationnaires de la colère ronger ses doutes, ses failles, sa tendresse. »
« Aujourd’hui, elle était une femme seule, simple, et élégante. Marcus trouvait qu’elle ressemblait à Charlotte Rampling, elle non. Son appartement avait un plancher craquant, mais des murs blancs, partout. Décoré au plus sobre, quelques meubles à peine, elle aurait aimé vivre dans un musée d’art contemporain. Sur l’un des murs du salon, un pan entier de bibliothèques abritait une vie entière de lectures, peut-être mille ou mille-cinq cents livres. Lorsqu’ils venaient dîner chez elle, Isabelle adorait flâner le long des étagères. Le soleil entrait à l’est, par les deux fenêtres du salon, faisant ressortir le plancher et ses veinures, traces de temps dans le bois des pas. Dans la plus petite chambre, un piano droit trônait au milieu de la pièce, un vieux Pleyel, un peu désaccordé, une touche blanche manquante dans l’octave le plus grave, comme Sarah. »
« Dans l’appartement de Sarah, dans la chambre de Sarah, dans l’armoire de la chambre : une enveloppe. Scellée à la cire. »
